Transparence et opacité du code alphabétique
L’alphabet correspond à la liste des lettres simples (a, b, c, d…) rangées dans un ordre conventionnel. L’écriture du nengone, comme celle du français, ne se résume pas à l’alphabet, car il y a plus de phonèmes que de lettres simples. Il a donc fallu imaginer des combinaisons de lettres. On appelle graphèmes tous les signes graphiques qui représentent les phonèmes (voir la leçon 3) et le code alphabétique d’une langue est l’ensemble des correspondances entre les phonèmes et les graphèmes dans cette langue. Deux langues peuvent partager le même alphabet, c’est-à-dire utiliser le même stock de lettres simples, mais avoir des codes alphabétiques assez différents. C’est le cas du français et du nengone.
Un code alphabétique est dit « transparent » lorsque les correspondances entre les sons distinctifs de la langue et leurs graphies sont parfaitement régulières : à un phonème correspond une et une seule graphie et réciproquement. L’écriture du nengone est quasi transparente. Par exemple, le son [k] est toujours transcrit grâce à la lettre <k> et réciproquement <k> représente le son [k]. En français, le son [k] peut être transcrit par k, c, cc, ch, cu, q, qu, k, cqu ou ck, comme dans colle, accord, choral, cueillir, coq, quille, kaki, acquis, crack. Réciproquement, la lettre <c> correspond, en français, tantôt à [k], tantôt à [s], voire à [g], comme dans case, face, second. Lorsque les correspondances entre graphèmes et phonèmes ne sont pas régulières, on dit que l’écriture est opaque. Le code alphabétique du français est donc relativement opaque. Selon Riegel et al. (1994, p. 69) :
« On recense environ 130 graphèmes qui sont reliés aux 36 phonèmes du français. […] 45 graphèmes de base couvrent les besoins fondamentaux de la transcription du français. »
Gombert et al. (2000, p. 111) précisent que « des travaux menés sur le français suggèrent que le seul recours aux règles de conversion phonème-graphème ne permet d’écrire correctement qu’environ la moitié des mots ».
Les codes alphabétiques des langues kanak sont quasiment transparents en raison de leur jeunesse relative. Élaborés il y a moins de deux siècles, ils ne souffrent pas encore d’un écart trop important entre les formes de l’oral et celles de l’écrit. C’est un avantage certain pour leurs usagers et pour les apprenants. |