Grammaire
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La forme et la position des pronoms
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En latin, les groupes nominaux et les pronoms changeaient de forme selon leur fonction syntaxique. En français, langue fille du latin, cette flexion casuelle a disparu pour les noms, mais elle demeure pour les pronoms des trois personnes du singulier et pour la 3e personne du pluriel.
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sujet
(ex. ils regardent Paul)
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complément direct
(ex. Paul les regarde)
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complément indirect
(ex. Paul leur donne)
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pronom disjoint ou précédé d’une préposition ou d’une conjonction
(ex. à eux)
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1ère personne
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je
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me (et moi avec l’impératif, ex. regarde-moi)
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me
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moi
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2ème personne
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tu
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te (et toi avec l’impératif)
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te
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toi
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3ème personne
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il/elle
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le/la
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lui
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lui/elle
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1ère personne
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nous
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nous
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nous
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nous
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2ème personne
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vous
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vous
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vous
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vous
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3ème personne
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ils/elles
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les
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leur
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eux/elles
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Par ailleurs, il existe en français des phénomènes d’inversion pronominale dans les phrases interrogatives (exemple : il court > court-il ?) et d’antéposition des pronoms compléments (exemple : je regarde Paul > je le regarde).
Il n’y a pas de flexion casuelle en nengone et les pronoms se comportent comme de véritables groupes nominaux.
[brown]Inu ci ule buic. [/brown] ‘Je les vois.’
[brown]Buice ci ule in.[/brown] ‘Ils me voient.’
Il en va de même en chinois mandarin dont la syntaxe est particulièrement simple et régulière :
我看你 [wǒ kàn nǐ] ‘Je te vois.’
你看我 [nǐ kàn wǒ] ‘Tu me vois.’ |
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Réponse |
Comme le rappelle Michel Launey (2013), l’absence de marque explicite d’opposition entre l’inclusif et l’exclusif en français ne signifie pas pour autant que cette distinction n’existe pas sémantiquement y compris dans cette langue. Par exemple, l’interprétation du « nous » est exclusive dans Nous te faisons confiance ou Rejoins-nous demain. Inversement, elle est inclusive dans Préparons-nous.
L’opposition entre, d’une part, le duel et le pluriel et, d’autre part, l’inclusif et l’exclusif, existe dans toutes les langues océaniennes. On la retrouve même en bislama, créole à base d’anglais parlé au Vanuatu. Dans cette langue, le découpage morphologique révèle un tu (angl. two ’deux’) dans les formes duelles et un yu (angl. you ’tu/toi’) dans les formes inclusives :
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[rouge]inclusif[/rouge]
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exclusif
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[bleu ciel]duel[/bleu ciel]
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yumitu ‘toi et moi’
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mitufala ‘lui/elle et moi (mais pas toi)’
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de l’anglais :
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[rouge]you[/rouge] + me + [bleu ciel]two[/bleu ciel]
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me + [bleu ciel]two[/bleu ciel] + fellow
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pluriel
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yumi ‘vous et moi’
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mifala ‘eux/elles et moi (mais pas toi, pas vous)’
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de l’anglais :
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[rouge]you[/rouge] + me
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me + fellow
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Grammaire
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L’ordre des mots dans la phrase
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Réponse |
L’ordre préférentiel des constituants dans la phrase déclarative simple française est : Sujet–Verbe–Objet. Mais cet ordre n’est absolument pas universel. Les exemples qui suivent illustrent la variabilité de l’ordre des constituants dans la phrase selon les langues. Les trois phrases en ajië (langue kanak de la région de Houaïlou en Nouvelle-Calédonie), en tahitien (langue polynésienne des îles de la Société en Polynésie française) et en japonais, traduisent la première phrase en français. La mise en forme suffit à identifier les principaux groupes dans chaque langue et leur traduction approximative.
français : |
L’oiseau |
a mangé |
le poisson. |
ajië : |
Na wê öi |
éwâ |
na mürü. |
tahitien : |
Ua àmu |
te manu |
i te ià.
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japonais : |
Tori ga |
sakana o |
tabemashita |
Sans entrer dans une analyse plus fine qui permettrait de comparer les constituants de chaque langue, on peut déjà conclure que face à l’ordre canonique Sujet-Verbe-Objet du français, on trouve les agencements Verbe-Objet-Sujet en ajië, Verbe-Sujet-Objet en tahitien et Sujet-Objet-Verbe en japonais. Cette simple observation permet de souligner à nouveau que chaque langue répond à ses propres conventions et que l’ordre que l’on observe en français n’est ni universel, ni « naturel ». La linguistique typologique nous apprend d’ailleurs que l’ordre le plus fréquent dans les langues du monde est Sujet-Objet-Verbe ; on le trouve par exemple en japonais, en turc et en coréen. Ce type de comparaisons empiriques immédiates permet aux apprenants de se départir progressivement d’une certaine idéologie glottocentrique qui conduit un locuteur, surtout lorsque sa langue est en situation institutionnelle dominante, à considérer cette dernière comme le parangon de toutes les autres. L’ordre des constituants dans les langues ci-dessus n’est pas « à l’envers » de celui du français, il est simplement différent. Chaque nouvelle langue apprise imposera un ordre particulier, parfois identique, parfois divergent, de la langue d’origine de l’apprenant. Prendre conscience de ce phénomène grâce à l’observation comparative permet d’y être davantage attentif. |
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Grammaire
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Réponse |
Les langues ont recours à divers procédés pour distinguer les fonctions d’actants qui s’organisent autour du prédicat. Le français utilise principalement l’ordre des termes. En latin, l’ordre est plus libre car c’est la forme des actants - leur cas - qui indiquent leur fonction.
Marcus |
medicum |
audit. |
‘Marc écoute le médecin.’ |
Marc-NOM |
médecin-ACC |
écoute |
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Dans la phrase ci-dessus, la final en -um indique lequel des deux actants est l’objet (cas accusatif), alors que la finale en -us correspond à la fonction sujet (cas nominatif). Si l’on permute les suffixes casuels, sans changer l’ordre des mots, les fonctions s’en trouvent également inversées :
Marcum |
medicus |
audit. |
‘Le médecin écoute Marc.’ |
Marc-ACC |
médecin-NOM |
écoute |
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Pour marquer les fonctions sujet et objet, le nengone utilise à la fois l’ordre, quand le sujet est antéposé au prédicat, et une marque casuelle (la marque sujet en k-), quand le sujet est postposé au prédicat. |
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Grammaire
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Réponse |
• En nengone, l’opposition défini/indéfini, d’une part, et l’indication du nombre, d’autre part, sont codées par des mots différents. Par exemple, le couple[brown] ore/se[/brown] correspond grosso modo à l’expression de la définitude : [brown]ore[/brown] X ‘le X’ / [brown]se [/brown] X ‘un (autre) X’ ; et l’on peut ajouter à cette première détermination une indication du nombre : [brown]ore ehna[/brown] X ‘les X’ / [brown]se ehna[/brown] X ‘d’autres X’. En français, en revanche, les articles combinent l’indication à la fois de la définitude et du nombre. On dira de[brown] le [/brown] qu’il est un article à la fois défini et singulier, par opposition à [brown]les [/brown] qui est défini et pluriel, à [brown]un [/brown] qui est indéfini et singulier et à [brown]des [/brown] qui est indéfini et pluriel.
• On trouve dans l’emploi de [brown]a/an[/brown] et [brown]one [/brown] en anglais une nuance équivalente à celle qui existe entre [brown]se [/brown] X et [brown]sa ko[/brown] X en nengone. Observez les phrases suivantes :
A student came to see me about my course. ‘Un étudiant est venu me voir à propos de mon cours.’
One student came to my course. ‘Un seul étudiant est venu à mon cours.’
On revanche, on dira difficilement *A student came to my course.
La première phrase (avec l’article[brown] a[/brown]) sera traduite en nengone avec[brown] se[/brown], la seconde (avec le cardinal [brown]one[/brown]) avec [brown]sa ko[/brown] X. |
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Grammaire
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Coalescence et incorporation de l’objet
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Des phénomènes de coalescence entre l’objet et le verbe s’observent également en français. Gilbert Lazard (1994, p. 16) rappelle à ce propos que des locutions verbales comme prendre feu, porter plainte, tirer bénéfice, etc., « manifestent […] un certain degré de coalescence : le nom n’a pas d’article, ne peut avoir de déterminant et il ne peut guère être séparé du verbe que par certains adverbes ». Cette coalescence peut aller jusqu’à l’incorporation totale de l’objet qui forme alors avec le verbe un mot composé. C’est ce procédé, employé dans un état ancien du français, qui a par exemple donné naissance à maintenir « tenir avec la main » et culbuter « buter sur le cul ».
En nengone, le mot [brown]ruac [/brown] ‘travailler’ résulte d’une incorporation de l’objet : [brown]ruè [/brown] ‘faire’ + [brown]acè [/brown] ‘chose’. Cette forme composée peut à son tour accepter un suffixe transitif :[brown] ruacon [/brown] ‘travailler sur qqch’. |
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Pseudo noms propres en français
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Réponse |
En français, mis à part dans quelques expressions figées (exemple : Pierre qui roule n’amasse pas mousse), les noms communs en fonction actant sont toujours précédés d’un déterminant. Par exemple, on ne pourra pas dire *Enfant joue sur la plage.
À l’inverse, comme le rappelle Alexandre François (2001), les noms propres du français peuvent fournir à eux seuls un actant, sans nécessiter de déterminant : Michel joue sur la plage.
L’auteur précise cependant qu’un petit nombre de noms communs du français, qu’il appelle « pseudo noms propres », se comporte en fait syntaxiquement comme des noms propres, essentiellement quelques noms de parenté. Par exemple : Quand maman part, bébé pleure ; Comment va grand-mère ? (mais on ne dira pas *Comment va mari ?).
Dans le discours, le français réserve ce mode de fonctionnement à un nombre limité de noms communs (essentiellement des termes de parenté), alors que le nengone l’étend à tous les noms communs qui réfèrent à des êtres animés ou à des entités inanimées fortement individualisées. Ce procédé, qui tend à personnifier les référents inanimés ou les animés non-humains, est parfois utilisé dans les contes traduits en français. Le pseudo nom propre prend alors une majuscule initiale et se passe de l’article (exemple : Poulpe demanda à Rat pourquoi il riait). |
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Grammaire
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Directionnels du nengone et particules adverbiales de l’anglais
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Le fonctionnement des directionnels du nengone modifiant parfois le sens du noyau prédicatif qu’ils accompagnent ne va pas sans rappeler celui des particules adverbiales de l’anglais. Les verbes anglais à particules adverbiales, ou « phrasal verbs » (exemples : to get up ‘se lever’, to give up ‘abandonner’, to slow down ‘ralentir’, to play down ‘minimiser’, etc.), sont des unités construites dont le sens est précodé dans le lexique mental des locuteurs. Pour les non locuteurs, le sens d’un « phrasal verb » ne se déduit généralement pas de la somme des sens particuliers du verbe et de la particule qui le composent. Ainsi, rien ne permet de prévoir a priori que la combinaison de to make ‘faire’ et de up ‘en haut’ signifie, entre autres, « maquiller » : to make someone up ‘maquiller quelqu’un’. Il convient donc d’apprendre par cœur le sens de ces formes construites. Il en va souvent de même en nengone. |
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Qualificatifs du nengone et adjectifs du français
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Réponse |
Les qualificatifs du nengone ressemblent à première vue aux adjectifs qualificatifs du français. Mais leurs propriétés grammaticales sont assez différentes, comme le résume le tableau suivant :
Les qualificatifs du nengone
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Les adjectifs qualificatifs
du français
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Ils peuvent occuper directement la fonction prédicative.
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Ils doivent être précédés d’un verbe attributif pour apparaître en fonction prédicative.
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Nina k’ariroi.
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‘*Nina belle.’ est impossible
‘Nina est belle.’
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Ils peuvent être directement accompagnés de marque de temporalité.
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Ils ne comportent pas de marques de temporalité. C’est le verbe attributif qui porte la détermination temporelle, ou bien il faut dériver l’adjectif en verbe.
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Nina ha k’ariroi.
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‘*Nina a belli.’ est impossible
‘Nina est devenu belle.’ ou ‘Nina a embelli.’
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Ils doivent être précédés de la particule me pour apparaître en fonction épithète.
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Ils apparaissent directement en fonction épithète.
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Inu ci ule ore angaserei me k’ariroi.
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‘Je regarde la jolie fleur.’
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La plupart des qualificatifs peuvent qualifier directement des verbes.
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Les adjectifs ne peuvent pas modifier directement un verbe. Ils doivent préalablement être dérivés en adverbe (avec le suffixe –ment).
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morow me nidra
Bone ci nengoce nidra.
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‘un enfant doux’
‘*Il parle doux.’ est impossible
‘Il parle doucement.’
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Les qualificatifs, précédés de l’article ore, peuvent référer tantôt à la qualité considérée en elle-même, indépendamment de l’entité à laquelle elle s’applique, tantôt à l’entité qui dispose de cette qualité
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Les adjectifs peuvent s’employer comme substantifs, mais dans ce cas, ils réfèrent davantage à l’entité qui dispose de cette qualité (exemple : la belle = celle qui est belle). Le substantif qui désigne la qualité en elle-même aura souvent une autre forme (la belle ≠ la beauté ; le grand ≠ la grandeur ; la douce ≠ la douceur, etc.).
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Ore k’ariroi ni Nina ci nian ore hawog.
Inu co yose ore k’ariroi.
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‘La beauté de Nina me trouble.’
‘Je vais prendre celui/celle qui est beau/belle.’
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Par ailleurs, le français distingue, à côté des adjectifs qualificatifs, une autre classe d’adjectifs, dits « relationnels », qui ne s’emploient normalement qu’en fonction épithète et qui indiquent une relation. Par exemple : vaisseau spatial = vaisseau de l’espace ; panneau routier = panneau de la route ; autorité coutumière = autorité de la coutume, etc. Ces adjectifs relationnels ne sont pas gradables. Ainsi, on ne dira pas : *un panneau très routier. Les qualificatifs du nengone ne correspondent pas à des adjectifs relationnels du français. L’équivalent de traduction d’un adjectif relationnel français sera généralement un groupe prépositionnel en nengone (préposition + groupe nominal) :
k’acen nore len |
panneau routier |
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Grammaire
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Noms dépendants et indépendants
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Réponse |
L’opposition entre noms dépendants et noms indépendants est très ancienne et se réalise dans de nombreuses langues océaniennes, dont le nengone, selon des procédés d’expression différents. Elle existait probablement déjà en proto-océanien, la langue mère parlée il y a plus de 3000 ans dont sont issues les 500 langues océaniennes contemporaines (voir Malcom Ross, 1998).
Dans la littérature scientifique, différentes dénominations sont en usage pour désigner cette dichotomie. Les auteurs océanistes parlent tantôt d’opposition entre noms dépendants et indépendants, de possession inaliénable ou aliénable, ou de possession directe ou indirecte.
Dans les langues polynésiennes par exemple, un sous-groupe des langues océaniennes, cette dichotomie se manifeste dans l’emploi de deux prépositions distinctes [brown]o[/brown] et [brown]a[/brown] pour exprimer la possession.[brown] O[/brown] s’emploie généralement lorsqu’il est question des parties d’un tout ou des parties du corps et[brown] a[/brown] lorsque l’objet possédé est aliénable (on peut s’en séparer). Par exemple, en tahitien :
te rima o Teva |
la main de Teva |
te hoe a Teva |
la rame de Teva |
Cette dichotomie est précodée lexicalement et elle structure le lexique autant que le genre dans une langue comme le français. |
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Grammaire
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La dérivation par réduplication
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Réponse |
Pour en savoir davantage sur la morphologie lexicale du nengone, reportez-vous au premier chapitre de la thèse de Suzie Bearune (2012).
Les trois procédés que nous décrivons dans cette leçon s’emploient également en français pour fabriquer des mots construits. Composition : machine à laver, lave-linge ; Dérivation affixale : partir -> repartir. On trouve aussi des exemples de formes rédupliquées : bonbon, pousse-pousse, train-train… Ce procédé est cependant moins productif en français qu’en nengone, ou que dans les langues océaniennes en général, et il s’emploie davantage dans le langage enfantin ou familier (exemples : dodo, baballe, mémère). |
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Grammaire
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Les relatives dans les langues du monde
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Réponse |
Dans son ouvrage dédié aux universaux du langage humain, Comrie (1989) fonde sa définition des relatives sur la notion d’extension. L’extension d’une expression renvoie à toutes les occurrences particulières à laquelle réfère cette expression. Par exemple, dans « L’homme est mortel », la séquence « l’homme » réfère potentiellement à tous les humains. En revanche, dans « L’homme qui entra dans le hall portait un chapeau », il est question cette fois d’un individu particulier. Selon Comrie, une relative implique nécessairement une tête (l’antécédent des grammaires classiques) et une proposition. Cette proposition, la relative, vient restreindre l’extension de la classe à laquelle réfère la tête. Ainsi, dans « l’homme qui entra dans le hall », la séquence « qui entra dans le hall » suffit à réduire l’extension de la classe « homme » à un individu particulier.
En nengone comme en français, les relatives sont subordonnées et postposées à leur tête. Dans les deux langues, toutes les fonctions actancielles et circonstancielles sont accessibles à la relativisation (nous n’avons vu dans cette leçon qu’une partie des constructions possibles en nengone). Ce qui distingue en revanche les deux langues, c’est que le français utilise des outils relatifs (qui, que, dont, où, auquel, etc.) alors qu’il n’y a pas d’outils relatifs qui introduisent la relative nengone.
Français
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le
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chien |
que |
je |
regarde
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Nengone
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ore
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pailai |
Ø |
inu |
ci ule
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Français
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le
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chien |
qui |
court |
Nengone
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ore
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pailai |
Ø |
ci nyanyad
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On observe cependant en nengone des procédés anaphoriques entre la relative et l’antécédent lorsque celui-ci correspond à l’objet du verbe de la relative (ex. emploi obligatoire de la forme déterminée du verbe), ou à un lieu (ex. emploi de l’anaphorique [brown]il[/brown] dans la relative). |
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Grammaire
Observez l’exemple suivant. |
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Grammaire
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La deixis désigne en linguistique l’ensemble des opérations de repérage par rapport à la situation d’énonciation. Toutes les langues emploient des formes déictiques qui peuvent appartenir à des classes différentes : démonstratifs (ceci/cela/ça), adverbes (ici/là/là-bas), présentatifs (voici/voilà), etc. Ces déictiques ne s’organisent pas de la même manière selon les langues. Par exemple, si l’on s’en tient aux démonstratifs, certaines langues utilisent des formes différentes selon la proximité avec l’énonciateur. C’est le cas du français ou de l’anglais qui distinguent deux degrés de proximité dans l’emploi des démonstratifs : ceci/this, près de l’énonciateur, et cela/that, loin de l’énonciateur. En espagnol, on trouve un degré supplémentaire entre le proche et l’éloigné : este/ese/aquel. Le malgache distingue sept degrés de proximité du plus proche au plus éloigné (Ozanne-Rivierre, 2004).
D’autres langues, prennent en compte l’interlocuteur dans l’organisation des démonstratifs. C’est le cas du nengone et de nombreuses langues océaniennes, mais aussi du latin :
hic : ceci/celui/celle-ci près de moi
iste : cela/celui/celle-là près de toi
ille : cela/celui/celle-là loin de nous
D’autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte dans l’organisation de la deixis d’une langue, comme par exemple le fait que l’entité désignée soit visible ou invisible. Pour en savoir davantage sur la deixis dans les langues océaniennes, vous pouvez lire Senft (2004). |
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Réponse |
L’idée que certaines langues puissent se passer du verbe être est déroutante quand on observe sa fréquence d’emploi en français et quand on sait à quel point la question de l’être a dominé la métaphysique européenne (pensez au « je pense donc je suis » de Decartes). Pourtant l’absence de verbe être n’est absolument pas un phénomène exceptionnel parmi les langues du monde. Il n’existait pas de verbe être en chinois mandarin classique. En russe contemporain, le verbe être n’a pas de forme conjuguée au présent et l’identification ou l’attribution d’une propriété s’opère, comme en nengone, par une simple juxtaposition du sujet avec le nom ou l’adjectif prédicatifs : Я врач [YA vrach], littéralement : je médecin = je suis médecin.
Notons que dans certaines tournures du français, le verbe être n’est pas davantage indispensable pour identifier ou pour attribuer une propriété :
Ma langue maternelle est le nengone ; ma langue seconde, le français.
(il n’y a pas de verbe être dans la seconde proposition, qui identifie ma langue seconde au français)
Délicieux ce gâteau ! (la propriété délicieux est attribuée au gâteau, sans verbe être) |
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Grammaire
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Le sujet devenu obligatoire en français
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En latin, langue mère du français, le sujet pronominal n’était pas obligatoire en l’absence d’un autre sujet syntaxique : Amo, amas, amat « J’aime, tu aimes, il aime ». Son emploi était même impossible dans le cas des verbes impersonnels : Pluit « Il pleut ». L’indication de la personne était en fait portée par la terminaison verbale, qui s’entendait à l’oral.
Les pronoms personnels sujets étaient également facultatifs en ancien français car la terminaison verbale était encore distinctive à l’oral :
Baisset |
sun |
chef |
(La Chanson de Roland, 12ème siècle) |
baisse-3SING |
sa |
tête |
« Il baisse la tête. »
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Ils sont progressivement devenus obligatoires en l’absence d’un autre sujet syntaxique lorsque la terminaison verbale n’a plus permis de distinguer les personnes à l’oral. Ils demeurent facultatifs en espagnol et en italien, car la terminaison verbale dans ces deux autres langues filles du latin continue de faire entendre la personne. |
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Le genre grammatical et le sexe
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Réponse |
En français, la forme des adjectifs, des déterminants et parfois des noms varient selon qu’ils sont masculins ou féminins (comparez par exemple un boulanger souriant et une boulangère souriante). Il s’agit de l’expression du genre grammatical. Il n’y a pas de genre grammatical dans la plupart des langues océaniennes, ce qui est un avantage majeur en matière d’apprentissage car cela réduit considérablement les phénomènes de variation (régulière ou irrégulière) de la forme des mots et donc les risques d’erreur. À titre comparatif, le genre est résiduel en anglais où il s’exprime avec les pronoms he (masculin), she (féminin) et it (neutre), et dans certains noms (par exemple : master « maître » et mistress « maîtresse »), mais il n’affecte ni la forme des déterminants, ni celle des adjectifs. Par exemple, a smiling baker peut être traduit, selon le contexte, par « un boulanger souriant » ou par « une boulangère souriante ». L’absence de genre grammatical n’empêche évidemment pas que l’on puisse préciser le sexe des êtres si cela s’avère nécessaire. En nengone, on a recours pour cela aux termes cahman et hmenew :
hōs cahman |
étalon |
hōs hmenew |
jument |
yeon cahman |
papayer mâle |
yeon hmenew |
papayer femelle |
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Grammaire
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L’aspect est une notion peu utilisée par les grammaires scolaires du français. Pourtant, il permet par exemple de saisir la valeur du contraste entre les formes simples et les formes composées (auxiliaire + participe passé). Contrairement aux trois temps simples ci-dessous, qui ont une valeur aspectuelle d’inaccompli, les temps composés du français qui leur correspondent expriment dans le discours la valeur aspectuelle d’accompli.
Temps simples |
Temps composés
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Maintenant, le bateau part. |
Maintenant, le bateau est parti.
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Hier, à 7h, le bateau partait. |
Hier, à 7h, le bateau était parti.
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Le bateau partira demain à 7h. |
Demain, à 7h, le bateau sera parti.
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Réponse |
En français, la forme du verbe varie en fonction, d’une part, de l’expression de la temporalité, et, d’autre part, de l’accord en personne, en nombre et parfois en genre avec le sujet. En revanche, en nengone comme dans de nombreuses langues océaniennes, le noyau verbal ne se fléchit pas pour ces attributs grammaticaux. Les flexions du verbe français (la conjugaison) sont une source de complexité formelle, laquelle s’accroit encore davantage avec les verbes les plus irréguliers dont la forme du radical est affectée par le codage de la temporalité, du nombre et de la personne. C’est le cas par exemple du verbe aller dont le radical présente quatre variantes :
Inu |
ci |
hu. |
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Je |
v-ais.
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Eje |
ci |
hu. |
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Nous |
all-ons.
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Inu |
co |
hu. |
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J’ |
ir-ai. |
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Co |
hu ke in… |
Il faut que |
j’ |
aill-e…
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