L’expression de la personne et du nombre
Observez les exemples suivants : |
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Que constatez-vous en comparant la forme du verbe en français et en nengone ?
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Réponse |
En français, le verbe s’accorde avec son sujet : la forme du verbe varie en fonction des attributs grammaticaux de la personne et du nombre, parfois du genre, du sujet. L’information sur la personne et le nombre est donc codée deux fois, au niveau du sujet et du verbe. En revanche, en nengone, il n’y a pas d’accord du verbe à son sujet ; le noyau verbal ne se fléchit pas en fonction de la personne et du nombre. Ces attributs grammaticaux ne sont codés qu’une fois, au niveau du sujet (quand il est exprimé). |
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L’expression de la temporalité dans le prédicat
Observez les exemples suivants : |
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Comparativement au français, par quel procédé la temporalité est-elle exprimée dans le groupe prédicatif en nengone ?
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Réponse |
Dans les phrases précédentes, la variation de temporalité est exprimée par deux procédés différents en français et en nengone. En français, la forme du verbe change. Cette variation morphologique peut affecter la terminaison ou le radical du verbe. Elle fait parfois aussi appel aux auxiliaires être ou avoir combinés au participe passé du verbe (temps composés).
En nengone, les indications de temporalité sont codées par des petits mots ([brown]ci, co, hna[/brown], etc.) qui précèdent le verbe, lequel ne change pas de forme en fonction de ces indications. Dans les phrases ci-dessus, nous avons traduit sommairement ces variations par l’emploi de l’indicatif présent, de l’indicatif futur et du passé composé en français. Si, en première analyse, il peut paraître commode de dire que [brown]ci[/brown] marque le présent,[brown] co[/brown] le futur et [brown]hna[/brown] le passé, cette explication est réductrice et ne rend compte que très imparfaitement de la valeur de ces particules. C’est ce que nous allons voir dans la section suivante. |
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Le temps, l’aspect et la modalité
Observez les exemples suivants : |
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K’enerek’en onom, Nina ci yenon ore p’ene nengone ne Maria.
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Cette année, Nina apprend le nengone avec Maria. |
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K’enerek’en hoxedridr, Nina ci yenon ore p’ene nengone sone co hue i Nengone.
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L’année dernière, Nina apprenait le nengone pour aller à Maré. |
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K’enerek’en hoxedridr, Nina hna yenon ore p’ene nengone ne Maria.
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L’année dernière, Nina a appris le nengone avec Maria. |
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Bo co hue co eleda ma ha hna rue ore ruace ni bo.
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Tu iras jouer quand (tu) auras fait ton travail. |
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Comparez attentivement ces phrases. Quels sont les temps verbaux français qui correspondent aux différentes occurrences de ci, co et hna dans ces exemples ? Les notions de « passé », « présent » et « futur » permettent-elles d’expliquer ces petits mots de manière satisfaisante ? Quelles hypothèses pouvez-vous formuler au sujet de leur valeur ?
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Réponse |
Pour mieux comprendre les valeurs associées à ces petits mots qui accompagnent souvent le prédicat, il importe de distinguer trois types de déterminations associées à la temporalité :
– Le temps, ou repérage temporel, correspond au repérage du procès auquel réfère l’énoncé par rapport au moment de l’énonciation (le moment où l’énoncé est prononcé). On distingue classiquement trois valeurs : le présent, quand le procès est concommitant avec le moment de l’énonciation ; le passé, quand le procès est antérieur au moment de l’énonciation ; le futur, quand le procès est postérieur au moment de l’énonciation.
– L’aspect, ou temporalité interne, renseigne plus précisément sur la phase du procès qui est envisagée : l’état initial qui précède le procès, le début du procès, son déroulement, sa fin, le nouvel état qui en résulte, etc.
– La modalité correspond à l’appréciation de l’énonciateur vis-à-vis du contenu de l’énoncé qu’il prononce, en particulier selon qu’il le considère plus ou moins vrai, ou plus ou moins souhaitable.
En nengone, les indications de temps (repérage du procès par rapport au moment de l’énonciation) sont données par des circonstants (exemple : k’enerek’en hoxedridr ‘l’année dernière’). Généralement, lorsqu’aucune indication temporelle explicite n’est donnée, c’est implicitement le moment de l’énonciation qui sert de repère. |
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Les déictiques temporels
Observez les exemples suivants : |
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Inu co ule bon ri wīk orore.
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J’irai le voir la semaine prochaine. |
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Inu hna ule bon hoxedridr.
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Inu hna ule bon ri wīk hoxedidr.
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Je l’ai vu la semaine dernière. |
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Comment analysez-vous l’emploi des termes orore et hoxedridr dans ces exemples ?
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Réponse |
À la leçon 6, nous avons étudié des déictiques spatiaux. Il existe également des déictiques temporels qui permettent de situer un procès par rapport au moment où l’énonciateur parle :
hoda : avant, auparavant, autrefois
honad : tout à l’heure (dans le passé)
hoxedridr : hier
onom : maintenant, aujourd’hui
ngei : tout à l’heure (dans le futur)
orore : demain
owol : après demain
oiru : plus tard, dans l’avenir
Notez que le nengone distingue formellement le tout à l’heure du passé ([brown]honad[/brown]) de celui du futur ([brown]ngei[/brown]).
Les déictiques [brown]onom[/brown], [brown]hoxedridr [/brown] et [brown]orore [/brown] sont directement postposés aux mots[brown] wīk [/brown] ‘semaine’, [brown]cek’ol[/brown] ‘mois’, [brown]k’enerek’en[/brown] ‘année’ pour situer ces intervalles de temps par rapport au moment de l’énonciation :
– [brown]wīk onom[/brown] ‘cette semaine’, [brown]wīk hoxedridr[/brown] ‘la semaine dernière’, [brown]wīk orore[/brown] ‘la semaine prochaine’ ;
– [brown]cek’ol onom[/brown] ‘ce mois-ci’,[brown] cek’ol hoxedridr[/brown] ‘le dernier dernier’, [brown]cek’ol orore[/brown] ‘le mois prochain’ ;
– [brown]k’enerek’en onom[/brown] ‘cette année’, [brown]k’enerek’en hoxedridr[/brown] ‘l’année dernière’, [brown]k’enerek’en orore[/brown] ‘l’année prochaine’. |
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La forme du verbe
En français, la forme du verbe varie en fonction, d’une part, de l’expression de la temporalité, et, d’autre part, de l’accord en personne, en nombre et parfois en genre avec le sujet. En revanche, en nengone comme dans de nombreuses langues océaniennes, le noyau verbal ne se fléchit pas pour ces attributs grammaticaux. Les flexions du verbe français (la conjugaison) sont une source de complexité formelle, laquelle s’accroit encore davantage avec les verbes les plus irréguliers dont la forme du radical est affectée par le codage de la temporalité, du nombre et de la personne. C’est le cas par exemple du verbe aller dont le radical présente quatre variantes :
Inu |
ci |
hu. |
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Je |
v-ais.
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Eje |
ci |
hu. |
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Nous |
all-ons.
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Inu |
co |
hu. |
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J’ |
ir-ai. |
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Co |
hu ke in… |
Il faut que |
j’ |
aill-e…
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L’aspect
L’aspect est une notion peu utilisée par les grammaires scolaires du français. Pourtant, il permet par exemple de saisir la valeur du contraste entre les formes simples et les formes composées (auxiliaire + participe passé). Contrairement aux trois temps simples ci-dessous, qui ont une valeur aspectuelle d’inaccompli, les temps composés du français qui leur correspondent expriment dans le discours la valeur aspectuelle d’accompli.
Temps simples |
Temps composés
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Maintenant, le bateau part. |
Maintenant, le bateau est parti.
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Hier, à 7h, le bateau partait. |
Hier, à 7h, le bateau était parti.
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Le bateau partira demain à 7h. |
Demain, à 7h, le bateau sera parti.
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