Le passif
Observez attentivement les exemples suivants, en comparant plus particulièrement la place des deux actants [brown]Teo [/brown] et [brown]ore yenewanu[/brown], et l’éventuelle particule qui les introduit : |
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Teo hna c’ori ore yenewanu.
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Téo a attrapé le crabe de cocotier. |
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Hna c’ori ore yenewanu kei Teo.
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Téo a attrapé le crabe de cocotier. |
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Ore yenewanu hna c’ori hnei Teo.
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Le crabe de cocotier a été attrapé par Téo. |
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Hna c’ori kore yenewanu hnei Teo.
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Le crabe de cocotier a été attrapé par Téo. |
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Quelles différences, de forme et de sens, observez-vous entre ces différentes tournures ?
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Réponse |
Un verbe transitif implique généralement un agent (qui engage l’action évoquée par le verbe) et un patient (qui subit cette action). À la forme active, l’agent occupe la fonction sujet et le patient est explicité en fonction objet.
Téo
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attrape
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le crabe de cocotier.
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SUJET-AGENT
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OBJET-PATIENT |
À la forme passive, c’est le patient qui occupe la fonction sujet. L’agent peut être précisé en fonction complément introduit avec la préposition par.
Le crabe de cocotier
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est attrapé
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par Téo.
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SUJET-PATIENT
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COMPLEMENT-AGENT |
En nengone aussi, il est possible de modifier la distribution des rôles sémantiques (agent, patient) par rapport aux fonctions syntaxiques (sujet, complément), mais uniquement lorsque le marqueur aspecto-temporel qui accompagne le verbe est hna.
• Tournure active : la fonction sujet est occupée par l’agent. Le sujet est placé soit avant le prédicat, soit après, mais introduit par la marque sujet en k-. Le patient est explicité en fonction objet à la suite du verbe.
Teo
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<hna c’ori>
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ore yenewanu. |
SUJET-AGENT
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OBJET-PATIENT |
‘Téo a attrapé le crabe de cocotier.’ |
<Hna c’ori>
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ore yenewanu |
kei Teo. |
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OBJET-PATIENT |
SUJET-AGENT |
‘Téo a attrapé le crabe de cocotier.’ |
• Tournure passive : la fonction sujet est occupée par le patient. Le sujet est placé soit avant le prédicat, soit après, mais dans ce cas, il est introduit par la marque sujet en [brown]k[/brown]-. Le verbe est obligatoirement à la forme déterminée. Si l’agent est explicité, il apparaît en fonction complément introduit par la préposition hnei/hnen : hnei devant les noms propres, pseudo noms propres et pronoms personnels, et hnen devant ore X.
Ore yenewanu
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<hna c’ori>
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SUJET-PATIENT
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‘Le crabe de cocotier a été attrapé.’ |
Ore yenewanu
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<hna c’ori>
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hnei Teo. |
SUJET-PATIENT
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COMPLEMENT-AGENT |
‘Le crabe de cocotier a été attrapé par Téo.’ |
<hna c’ori>
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hnei Teo
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kore yenewanu |
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COMPLEMENT-AGENT
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SUJET-PATIENT |
‘Le crabe de cocotier a été attrapé par Téo.’ |
<hna c’ori>
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hnei bon
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kore yenewanu |
‘Le crabe de cocotier a été attrapé par lui.’ |
<hna c’ori>
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hnen ore morow
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kore yenewanu |
‘Le crabe de cocotier a été attrapé par l’enfant.’ |
Les lieux peuvent aussi accéder à la fonction sujet dans les tournures passives du nengone :
Nina hna thaeti ri yeguhne me hma.
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Nina a dormi dans le grand lit. |
Ore yeguhne me hma hna thaeton hnei Nina.
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Le grand lit a été utilisé pour dormir par Nina.
(littéralement, ‘Le grand lit a été dormi par Nina’) |
Nina hna meneng ri hnamenenge ej.
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Nina est resté dans notre maison. |
Ore hnamenge ej hna menengon hnei Nina.
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Notre maison a été occupée par Nina. |
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Les relatives
Observez les exemples suivants : |
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Inu ci ule ore yenewanu ci kakan ore wanu.
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Je vois le crabe de cocotier qui mange le coco. |
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Inu ci ule ore yenewanu bo ci thenan
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Je vois le crabe de cocotier que tu éclaires. |
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Comment sont construites les propositions en italiques placées à droite de ore yenewanu ? Y a-t-il dans les exemples nengone un pronom relatif (équivalent de qui ou que) qui relie ces propositions à ore yenewanu ?
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Réponse |
Une « relative » est une proposition qui vient à la suite d’un groupe nominal pour en préciser le sens et qui comporte un verbe. Dans la grammaire classique, on désigne par « antécédent » le groupe nominal en expansion duquel se trouve la relative.
le chien
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qui mange le poulet
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ANTECEDENT
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RELATIVE |
En français, on distingue, entre autres, les relatives en qui et celles en que, selon la fonction de l’antécédent par rapport au verbe de la relative. Dans les relatives en qui, l’antécédent correspond au sujet du verbe de la relative.
Le chien
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mange le poulet. Je vois le chien.
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SUJET DE« MANGE »
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Je vois le chien qui mange le poulet.
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Dans les relatives en que, l’antécédent correspond à l’objet du verbe de la relative :
Le chien mange
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le poulet. Je vois le poulet. |
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OBJET DE« MANGE » |
Je vois le poulet que le chien mange.
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En nengone, il n’y a pas de pronom relatif entre l’antécédent et la relative. Lorsque l’antécédent correspond au sujet du verbe de la relative, cette dernière est construite comme une proposition principale.
Inu ci ule ore pailai. Ore pailai ci ian ore titew.
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‘Je vois le chien. Le chien mange le poulet.’
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Inu ci ule ore pailai ci ian ore titew.
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‘Je vois le chien qui mange le poulet.’
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Lorsque l’antécédent exprime l’objet de la relative, le verbe de la relative est obligatoirement à la forme déterminée. Si le sujet de la relative est un pronom personnel, un nom propre ou un pseudo nom propre, il peut être placé avant le verbe…
Inu ci ule ore titew Teo ci c’ori.
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‘Je vois le poulet que Téo attrape.’
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Inu ci ule ore titew bone ci c’ori.
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‘Je vois le poulet qu’il attrape.’
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ou après le verbe, précédé de la marque sujet kei/ke :
Inu ci ule ore titew ci c’ori kei Teo.
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‘Je vois le poulet qu’attrape Téo.’
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Inu ci ule ore titew ci c’ori ke bon.
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‘Je vois le poulet qu’il attrape.’
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Lorsque le sujet de la relative est un groupe déterminé en ore, il est placé après le verbe avec la marque sujet k- (k- + ore > kore) :
Inu ci ule ore titew ci c’ori kore cahman.
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‘Je vois le poulet qu’attrape l’homme.’
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• Lorsque l’antécédent de la relative correspond à un lieu, il est repris par l’anaphorique il dans la relative (il est aussi la particule interrogative pour la localisation mobile, voir la leçon 13).
Ome kore guhne eje hna c’a guwanu il.
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‘Voici l’endroit où nous avons coupé des cocos’
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• L’article ore suivit d’une relative permet de construire ce que l’on appelle dans la grammaire classique une relative substantive, c’est-à-dire un groupe de mots qui fonctionne comme un groupe nominal et dont le référent est défini par l’action décrite dans la relative. Dans ce cas, il n’y a pas d’antécédent explicité (dans les exemples ci-dessous, yenewanu ‘crabe de cocotier’ est sous-entendu).
Teo ci c’ori ore ci kakan ore guwanu.
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‘Téo attrape celui qui mange le coco.’
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Nina co ian ore hna c’ori kei Teo.
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‘Nina mangera celui que Téo a attrapé.’
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Les relatives dans les langues du monde
Dans son ouvrage dédié aux universaux du langage humain, Comrie (1989) fonde sa définition des relatives sur la notion d’extension. L’extension d’une expression renvoie à toutes les occurrences particulières à laquelle réfère cette expression. Par exemple, dans « L’homme est mortel », la séquence « l’homme » réfère potentiellement à tous les humains. En revanche, dans « L’homme qui entra dans le hall portait un chapeau », il est question cette fois d’un individu particulier. Selon Comrie, une relative implique nécessairement une tête (l’antécédent des grammaires classiques) et une proposition. Cette proposition, la relative, vient restreindre l’extension de la classe à laquelle réfère la tête. Ainsi, dans « l’homme qui entra dans le hall », la séquence « qui entra dans le hall » suffit à réduire l’extension de la classe « homme » à un individu particulier.
En nengone comme en français, les relatives sont subordonnées et postposées à leur tête. Dans les deux langues, toutes les fonctions actancielles et circonstancielles sont accessibles à la relativisation (nous n’avons vu dans cette leçon qu’une partie des constructions possibles en nengone). Ce qui distingue en revanche les deux langues, c’est que le français utilise des outils relatifs (qui, que, dont, où, auquel, etc.) alors qu’il n’y a pas d’outils relatifs qui introduisent la relative nengone.
Français
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le
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chien |
que |
je |
regarde
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Nengone
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ore
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pailai |
Ø |
inu |
ci ule
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Français
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le
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chien |
qui |
court |
Nengone
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ore
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pailai |
Ø |
ci nyanyad
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On observe cependant en nengone des procédés anaphoriques entre la relative et l’antécédent lorsque celui-ci correspond à l’objet du verbe de la relative (ex. emploi obligatoire de la forme déterminée du verbe), ou à un lieu (ex. emploi de l’anaphorique [brown]il[/brown] dans la relative). |
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