L’ordre préférentiel des constituants dans la phrase déclarative simple française est : Sujet–Verbe–Objet. Mais cet ordre n’est absolument pas universel. Les exemples qui suivent illustrent la variabilité de l’ordre des constituants dans la phrase selon les langues. Les trois phrases en ajië (langue kanak de la région de Houaïlou en Nouvelle-Calédonie), en tahitien (langue polynésienne des îles de la Société en Polynésie française) et en japonais, traduisent la première phrase en français. La mise en forme suffit à identifier les principaux groupes dans chaque langue et leur traduction approximative.
français : |
L’oiseau |
a mangé |
le poisson. |
ajië : |
Na wê öi |
éwâ |
na mürü. |
tahitien : |
Ua àmu |
te manu |
i te ià.
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japonais : |
Tori ga |
sakana o |
tabemashita |
Sans entrer dans une analyse plus fine qui permettrait de comparer les constituants de chaque langue, on peut déjà conclure que face à l’ordre canonique Sujet-Verbe-Objet du français, on trouve les agencements Verbe-Objet-Sujet en ajië, Verbe-Sujet-Objet en tahitien et Sujet-Objet-Verbe en japonais. Cette simple observation permet de souligner à nouveau que chaque langue répond à ses propres conventions et que l’ordre que l’on observe en français n’est ni universel, ni « naturel ». La linguistique typologique nous apprend d’ailleurs que l’ordre le plus fréquent dans les langues du monde est Sujet-Objet-Verbe ; on le trouve par exemple en japonais, en turc et en coréen. Ce type de comparaisons empiriques immédiates permet aux apprenants de se départir progressivement d’une certaine idéologie glottocentrique qui conduit un locuteur, surtout lorsque sa langue est en situation institutionnelle dominante, à considérer cette dernière comme le parangon de toutes les autres. L’ordre des constituants dans les langues ci-dessus n’est pas « à l’envers » de celui du français, il est simplement différent. Chaque nouvelle langue apprise imposera un ordre particulier, parfois identique, parfois divergent, de la langue d’origine de l’apprenant. Prendre conscience de ce phénomène grâce à l’observation comparative permet d’y être davantage attentif.